Imaginez une époque où les ordinateurs n’étaient pas compatibles entre eux. Hors de question d’échanger des programmes ou des données avec votre voisin s’il n’avait pas la même machine que vous. Pas moyen de lui emprunter son joystick ou son imprimante. Chaque machine était différente tant intérieurement qu’extérieurement. Certaines étaient pourvues d’un vrai clavier d’autres n’avaient que des touches sensitives rapprochant la frappe de la séance de torture.

La plupart du temps on n’avait pas de moniteur et l’on se raccordait à la télévision familiale via le câble antenne et plus tard par la prise péritel.

Les programmes étaient conservés sur cassettes audio (on appelait ça une mémoire de masse) et il fallait attendre de (très) longues minutes pour les charger dans sa machine. Pour peu que votre magnétophone ne soit pas bien réglé, l’attente se soldait par une erreur et il fallait tout recommencer.

En général ces micros étaient fournis avec un interpréteur BASIC. La plupart du temps il était en ROM et se chargeait dès l’allumage de l’ordinateur. Un curseur, clignotant ou non, nous invitait à la programmation afin de donner vie à notre écran.

On tombait amoureux de sa machine. On connaissait ses capacités et ses limites. On la mesurait à celle des copains, vantant ses mérites et ses qualités. Des clans d’utilisateurs de même ordinateur se formaient.

Si les gros pâtés de pixel maladroitement déplacés à l’écran nous émerveillaient au début, on était de plus en plus demandeurs de graphismes plus fins, de sons et d’animations plus réalistes.

Les consoles de jeux nous promettaient de reproduire à la maison ce que l’on découvrait de nos yeux ébahis dans les salles d’arcade. Ces promesses furent rarement tenues, l’arcade semblant toujours avoir une génération d’avance. Mais avec le temps, la frontière entre les deux mondes tendit à disparaître.

Il y eut d’abord l’époque héroïque dominée par les première consoles. Puis ce fut le règne des micro-ordinateurs 8-bits suivi de l’avènement du 16-bits et la renaissance des consoles. Le passage au 32-bits fut marqué par l’avènement du PC et la disparition de la diversité de la micro-informatique. Les ordinateurs ont perdu leur âme, et nous nous sommes tous retrouvés avec plus ou moins la même machine. Nous sommes désormais à l’ère du multimédia et de l’internet, ou le contenu compte plus que le contenant.

 


 

 


"Mémoire de masse"

 


L'écran d'accueil du Basic de l'Amstrad CPC

GENESE

Au début de toute aventure industrielle, il y a des pionniers. Nommer l’inventeur du jeu vidéo est un exercice sujet à controverse. Cependant une chose est sûre : le media qui a donné naissance à Pac-man et Mario et qui a dépassé toutes les autres formes de divertissement n’est pas né des mains d’adolescents dans le fond d’un garage obscur mais dans des laboratoires high-tech américains. A cette époque il n’y avait ni disquette, ni écran couleur, ni mémoire RAM. Seuls des universitaires d’élite et des centres de recherche avaient accès à la technologie informatique. Au lieu de perdre leur temps à apprendre aux machines, les premiers utilisateurs adoraient tester leur habilité contre l’ordinateur. Quatre de ces visionnaires ont alors inventé le premier media de loisir interactif.

Willy Higinbotham était physicien. En 1959, lors d’une porte ouverte de son laboratoire, il utilisa un oscilloscope pour créer une sorte de jeu de tennis interactif afin d’intéresser les visiteurs. Les gens pouvaient bouger un point lumineux à l’aide de contrôleur de part et d’autre d’une ligne verticale figurant le filet. Par la suite Higinbotham améliora son invention mais ne déposa jamais de brevet. Le premier jeu vidéo ne quitta jamais son laboratoire.

C’est Steve Russel qui est le plus souvent considéré comme le véritable père des jeux informatiques. Après tout, un oscilloscope n’est pas un ordinateur. Jusqu’ici les ordinateurs étaient immenses et utilisaient des cartes perforées. Puis vint le PDP-1 de la taille de deux réfrigérateurs, unanimement applaudi comme miniordinateur. En tant que programmeur au Massachusetts Institute Technology (MIT), Steve Russel avait accès à cette fameuse machine. C’est ainsi que naquit Space Wars, le premier jeu sur ordinateur. Son invention ne rapporta pas un centime à Russel.

Ralph Baer, américain d’origine allemande, travaillait en tant que directeur R&D dans une société de recherche militaire sur les radars. Il développa des jeux de golf et de tir pour lesquels il déposa des brevets en 1966. Ce n’est qu’en 1970 que la filiale américaine de Philips acheta le brevet pour en faire, en 1972, la première console de jeux, la Magnavox Odyssey.

L’ingénieur Nolan Bushnell joua à Space Wars quand il était étudiant imaginant immédiatement tout le potentiel des jeux vidéo. Avant que l’Odyssey ne sorte en 72, Bushnell avait créé une variante du jeu de tir. Tandis que Russel avait fait son jeu d’action pour les universitaires et que Baer avait apporté son jeu vidéo sur la télé du salon, Nolan Bushnell destinait le sien aux endroits publics, bars et salles de flippers. En 1971 il perdit de l’argent avec sa borne de jeu Computer Wars qu’il remplaça par Pong, plus simple d’accès, un jeu semblable aux expériences de Higinbotham et Baer. Aussitôt cette borne d’arcade se mit à avaler quantités de pièces de monnaie à travers tous les Etats-Unis. En 1972, Bushnell fonda Atari (un terme du jeu de Go). Dès 1973, des douzaines de clones de Pong naquirent au Japon. Une nouvelle industrie était née.


Space Wars


Magnavox Odyssey


Computer Wars et Pong

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